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All along the watchtower
(paroles de Bob Dylan)
"There must be some way out of here," said the joker to the thief,
"There's too much confusion, I can't get no relief.
Businessmen, they drink my wine, plowmen dig my earth,
None of them along the line know what any of it is worth."
"No reason to get excited," the thief, he kindly spoke,
"There are many here among us who feel that life is but a joke.
But you and I, we've been through that, and this is not our fate,
So let us not talk falsely now, the hour is getting late."
All along the watchtower, princes kept the view
While all the women came and went, barefoot servants, too.
Outside in the distance a wildcat did growl,
Two riders were approaching, the wind began to howl
Traduction (personnelle, soyez indulgents)
« Il y a forcément un moyen de partir d’ici », dit le fou au voleur,
« Tout cela est trop confus, je n’arrive pas à m’apaiser.
Les hommes d’affaires boivent mon vin, les laboureurs creusent ma terre,
Mais aucun d’eux ne sait jamais le but de tout cela. »
« Aucune raison de s’énerver » dit gentiment le voleur,
« Beaucoup d’entre nous pensent que la vie n’est qu’une farce.
Mais vous et moi, nous sommes au-delà de cela, et ce n’est pas notre destin,
Alors ne parlons plus à tort à présent, il commence à se faire tard. »
Du haut de la tour de guet, les princes avaient une belle vue
Alors que toutes les femmes allaient et venaient, les serviteurs aux pieds nus faisaient de même.
Dehors au loin un chat sauvage grondait,
Deux cavaliers approchaient, et le vent se mit à hurler.
Explication
Si la série s’achève sur une reprise intégrale de la chanson « all along the watchtower », ce n’est pas uniquement pour faire joli et rappeler gentiment que depuis la fin de la saison 3, avec le dessin du mandala, elle forme une sorte de ligne directrice, un rappel constant dans le thème musical, et dans l’ambiance inexpliquée et quelque peu mystique qui règne dans cette fin de série – et qui n’est d’ailleurs pas totalement résolue lorsque celle-ci s’achève. Non, je ne pense pas franchement me tromper si j’affirme que cette chanson, par ses paroles entre autre, fait sens. Elle est marquante tout d’abord car ce sont les seules paroles prononcées de la BO (si on omet le générique, mais bon sans la traduction, l’indou ça reste quand même très, euh, difficile à saisir disons, mais bon si vous voulez comprendre enfin ce que ça dit, c’est par ici que ça se passe), mais surtout parce que celles-ci sont en lien direct avec ce qui est en jeu, ce dont il est question. De par sa construction même tout d’abord, en effet il faut lire le texte comme étant circulaire, la fin de la chanson annonce un nouveau début similaire, et peut donc se relire ainsi perpétuellement. Cette circularité n’est cependant pas une délivrance, mais un enfermement « there must be some way out of here » qui place nécessairement les personnages dans un schéma téléologique, autrement dit orienté vers une fin, un but tracé d’avance, ce qui rend nécessaire l’idée de destin : « we have been through that and this is not our fate ». On s’attend alors à une rupture par l’accomplissement de ce destin, le voleur, en effet, utilise la notion de destin pour s’exclure de l’idée de répétition, or, il se trouve précisément que la forme circulaire de la chanson l’y plonge directement, donnant un aspect quasi tangible à cet enfermement. Le tout sous le regard des princes observant depuis la tour de guet et surplombant ce monde sans réellement en prendre part.
Le rapport avec battlestar me direz vous ? Mais j’y viens justement ça tombe bien. Nous sommes précisément dans ce même type de schéma, une répétition infinie (all this has happened before and all will happen again) qui place les personnages face à un « destin » qui les supplante et les guide. Jusque là, pas de soucis, cependant il y a une volonté de sortir de ce cercle de destruction continue qui apparaît comme un enfermement (la Terre, Kobol, Caprica, New Caprica…). On pense tenir cette sortie par le saut final enregistré par Kara, cependant d’entrée de jeu quelque chose nous met la puce à l’oreille : elle dit « there must be some way out of there » juste au moment où elle rentre les coordonnés (bon et le fait qu’elle les tire de la partition ne fait qu’augmenter le parallèle), et on sait que cette issue attendue par le fou dans la chanson n’est qu’illusoire, puisque la fin ne fait qu’annoncer une fois encore leur dialogue. Cette issue illusoire, c’est précisément ce que nous dévoile la toute fin de la série : alors que l’on pensait être sortis d’affaire, un nouveau départ, un Lee plein d’entrain, ayant soif de monde et de découverte, soif de vie et d’espoir est la dernière image qu’on nous donne de la jeune génération de l’espèce humaine (bon, certes il finit tout seul dans un champ, mais bon, rien n’est parfait en ce bas monde, Sam finit bien sa vie dans une baignoire…), saut dans le temps d’une grosse dizaine de milliers d’années, et l’on se rend compte, par l’évolution technique qui devient visible que tout ne fait jamais que redémarrer. Nous retrouvons l’individu – dire l’homme devient complexe – exactement au même stade qu’il est dans la série Caprica… nous sommes dans une nouvelle préfiguration de la chute. Encore.
Enfin, dernier petit point pour étayer ce rapprochement, les fameux princes qui observent depuis la tour de guet… ne voyez vous pas une certaine proximité avec Gaius et Six version « anges », ceux qui évoluent dans les rues de cette nouvelle Terre, qui observent et parient presque amicalement sur l’évolution de l’espèce humaine et sa capacité à changer justement ? Il me semble que la ressemblance est nette. Une observation distante, extérieure et supérieure, presque amusée, ou du moins condescendante.
Et comme chape générale, comme idée sur laquelle s’achève la totalité de la série, non pas une note d’espoir, une réussite de la quête, mais au contraire une ironie distante, sceptique et pessimiste. Désillusionnée dirais-je, l’homme s’est trompé de cible dans sa quête, ce n’est pas la Terre qu’ils cherchaient, mais le paradis perdu. Cette intangible promesse à jamais inaccessible.
