Child of humanity, le complexe d'Oedipe

Child of humanity, le complexe d'Oedipe 

 

 

 

 

 

 

Ok, je veux bien l’admettre, le titre peut surprendre. Child of humanity, n’importe quel spectateur de Battlestar un minimum attentif peut le resituer, mais l’insertion soudaine du personnage d’Œdipe dans l’affaire complique sérieusement la donne. Qu’est-ce qui a donc bien pu me traverser ainsi l’esprit pour que je me mette à vous tisser des liens capilo-tractés ? Sans nul doute, cela mérite un minimum d’explication, et peut-être, pour commencer un bref rappel de l’histoire d’Œdipe ne serait-il pas de trop (très court ne vous en faites pas).

Œdipe est connu pour être un personnage qui incarne un destin tragique, tiraillé entre sa raison et ses passions. L’histoire d’Œdipe est celle d’un homme qui, enquêtant sur la mort d’un individu se découvre lui-même comme meurtrier, et apprend dans un même mouvement que cet homme qu’il avait tué était son père, et que la femme qu’il a par la suite épousée est sa mère. Je ne sais pas si je suis bien claire, mais en gros, Œdipe c’est l’individu tiraillé entre deux types de passion : l’envie de tuer son père, et celle de se reproduire avec sa mère ; le tout chapoté par un refus de l’existence en soi de ces deux passions.

Oui, mais quel est le rapport avec Battlestar ? C’est là que je vous renvoie à mon titre de départ. Child of humanity… Vous connaissez la formule, et vous sentez les enjeux sous-jacents non ?

Ce sont les cylons qui s’auto-appellent ainsi, les humains n’emploieront jamais cette dénomination précise, restant beaucoup plus dans une terminologie qui les renvoie à leur qualité de machines, de choses, d’entités fabriquées. Ils se conçoivent donc comme des descendants rejetés des êtres humains. L’humanité tient pour eux la place laissée vacante de « parents », et ils vont précisément développer vis-à-vis d’elle la double tendance que nous évoquions pour parler d’Œdipe : à la fois un besoin presque viscéral de meurtre, mais également une envie de reproduction, le tout chapoté par un fond très léger de culpabilité, percevable uniquement chez  certains modèles. Bon, l’idée n’est pas de faire une pseudo-analyse psychologique de bas étage basée sur les réactions de personnages-machines (dis comme ça, ça a quand même l’air stupide), mais de mettre à jour un parallèle entre ce qu’on appelle couramment le « complexe d’Œdipe » et ce qui emmène les cylons à chercher constamment le rapport avec les humains. En effet, si l’attaque cylon du début de la série n’avait comme seul but que de répondre à l’avancée en territoire ennemie imputable aux humains eux-mêmes (cf. épisode 308 Héros) ils n’auraient certainement pas quitté Caprica pour poursuivre les humains, ni même abandonné New-Caprica après la fuite de ceux-ci… Non, si les cylons continuent à poursuivre l’humanité sans plus réellement se soucier de la recherche d’une planète pour leur propre compte, c’est bien plus parce que les êtres humains exercent sur eux une double fascination, qui recoupe précisément celle que nous venions d’évoquer.

Meurtre tout d’abord. Vous souvenez-vous de cet échange entre un Doral et un numéro Six sur Caprica dans l’épisode 103 (Bastille Day) ?

Doral: They would have destroyed themselves, anyway. They deserve what they got.
Six: We're the children of humanity; that makes them our parents, in a sense.
Doral: True. But parents have to die. It's the only way children come into their own.

Le dialogue parle de lui-même, le commenter serait sans doute redondant, ajoutons uniquement que ce problème de la filiation et de l’impossible existence dans l’ombre d’un parent qui ne peut biologiquement pas mourir, puisqu’il perdure et se reproduit dans sa forme même, innerve la totalité de la série. Les cylons se considèrent comme l’étape suivante de l’évolution, non pas réellement de l’humanité, mais de l’existence pensante. Comme ce fut le cas de chaque révolution à l’échelle de l’existence même, la nouvelle espèce ne peut s’épanouir que sur les cendres de la précédente, parents have to die.

 

Là où l’histoire se complexifie, c’est lorsqu’on ajoute à tout cela l’étrangeté de la mission de la Sharon de Caprica qui par la suite deviendra Athena : séduire un humain, tomber enceinte et porter son enfant. Comment comprendre cette volonté des cylons (qui à ce moment là, rappelons-le ont encore un vaisseau de résurrection et n’envisage même pas qu’il puisse en être autrement) de se reproduire avec les êtres humains, comment comprendre la fascination auront pour Héra dès l’origine de sa conception alors même qu’ils n’ont pas besoin d’un métissage avec les humains pour persister ?

 

C’est ici précisément, entre ces deux tendances en apparence incompatible que se situe le lien qu’il a été possible d’établir avec Œdipe et son complexe. Peut-être un peu tordu, je vous l’accorde, mais avouez que c’est troublant quand même non ?